Plus haut,toujours plus haut.

Au quatrième étage, Dieu créa une pièce vide mais d'une clarté surprenante car dotée de grandes baies laissant libre cour à la lumière à chaque heure du jour. Il l'appela, dans sa grande sobriété, la Tanière du Soleil. (il savait ce faisant que quelque part, un homme au cheveux de feu, se dirigeant à l'aide d'un coutelas en os tournait ses pas vers cet endroit et qu'il débarquerait un jour en demandant à voir où crêchait l'astre du jour...) Cette pièce était idéale pour un future bibliothèque..



Dieu considéra la pièce et vit que cela était bon. Il décida de s'accorder un peu de repos parce que cela faisait déjà quelques temps qu'il besognait sévère. Or donc, il monta au cinquième et y installa sa chambre, nantie d'un grand lit à baldaquin d'époque sur lequel il s'écroula avec une violence certaine.



Après cette sieste impromtue mais nécessaire, Dieu se leva et considéra sa couche... il savait d'évidence ce qu'il y manquait, ou plutôt qui manquait, mais résolut de ne point sombrer dans cet état d'âme: sa belle arriverait bientôt et aurait tout loisir, si l'envie lui prenait d'apporter ici un peu de sa doulce chaleur...

Il devait d'ailleurs terminer son ouvrage avant sa venue... il monta au dernier étage de la tour.... et travailla pendant trois jours de suite, martelant, sciant, pinçant planches, clous, poutres, chevilles et doigts.... avec pour seuls témoins ces êtres frêles et enjoués qui étaient devenus ses amis... Lorsqu'enfin le dernier coup de burin résonna dans la grande salle, Dieu s'arrêta et considéra l'ensemble: au milieu de la salle, dont le mur laissait courir une sorte de péristyle, se trouvait un bassin d'assez belle taille, alimenté par un jeu de minuscules canaux acheminant l'eau de pluie. Le toit avait été percé de telle sorte que la lumière lunaire se répandait doucement sur l'onde, donnant à l'endroit un aspect iréel et féérique...



Au centre du bassin s'élevait une île minuscule, pouvant à peine accueillir deux personnes en plus de la statue de Pan qui veillait sur la paix de ce havre étrange

Dieulevolt attira sa dame contre lui et murmura:

Sais-tu ce qu'on prétend? Que cette statue est la protectrice des âmes célestes égarées sur terre... et que celles-ci doivent se rendre à ses pieds pour lui rendre hommages lorsqu'elles se sont retrouvées...

Dieu sourit.

Le seul problème est qu'on ne peut s'y rendre qu'à la nage... ce qui risque fort de se révéler périlleux avec cette superbe mais néanmoins lourde robe...

Ce disant, il se délesta lui-même en clin d'oeil de ses hardes,et plongea sans attendre dans l'onde argentée....

Dieulevolt se tourna vers sa Dame et la regarda se dévêtir, ébloui. Non contente de se dévoiler à lui, la belle naïade vînt le rejoindre dans cet étang de lune... elle était tout près, si près...
Ils gagnèrent l'ilôt baigné de ciel en riant. Lorsqu'ils arrivèrent aux pieds de la statue, Dieu lui tendit la main et l'attira à lui. Les fines gouttelettes d'eau perlant sur son corps ressemblait à des diamants, qu'il se mit en devoir de ramasser un à un, cueillant au passage ses douces lèvres au rouge de fruit défendu. Il s'arrêta pour la contempler, bien que brûlant de désir....

T'ai je jamais dit comment l'on prie le dieu Pan, mon amour?

Il lança à Ally un sourire malicieux.

La douce lumière de l'astre nocturne, s'épanchant sur les deux amants, les nimba tous deux de nacre et de diamants...
Dieu se perdait chaque seconde un peu plus profondément dans les yeux de sa dame et remarqua à peine, dans la passion de leur étreinte, la mélodie qui s'éleva de nulle part pour chanter leurs baisers ...

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Cessant de s'appartenir, leurs corps se dévoraient l'un l'autre, tout à la joie de n'en former plus qu'un...

Lorsqu'ils s'engourdirent enfin, sous le regard bienveillant de Pan, le soleil glissait ses longs doigts de roses au travers des lucarnes et auréolèrent l'amante de Dieu.

Voilà donc ce que tu es, mon Ally... la Souveraine du Jour, dans sa traine d'Aurore...

Cela faisait maintenant quelques jours qu'Ally s'était enfermée dans cette pièce féérique. Elle avait confié son fils à Auris, tellement l'appel des souvenirs étaient forts. Elle avait ressentit le besoin de retourner aux sources et c'était seule qu'elle allait le faire.

Ses yeux vaguaient sur l'immense miroir que formait l'eau. Rien ne troublait le calme présent à cet endroit. Seul son respire, léger et régulier, ajoutait une touche de vie dans ce monde qui semblait irréel. Éclairée par un simple rayon de lune, elle semblait être une part entière de la pièce. Les jours passés, assise au même endroit, le regard fixant minute après minute le même point avait eu l'effet de fondre son corps au sol. Une statue, c'est ce qu'elle était maintenant devenue. L'âme s'étant évadé au loin, dans un monde qu'elle seule connaissait. Un monde invisible, de joie et de souffrance, entremêlé en une longue chaîne sans fin ....

Qu'espérait-elle y trouver ? Une réponse. Elle ne savait pas ce exactement ce qui l'attendait, mais elle était certaine qu'il y avait quelque chose de cachée qui voulait ressurgir en son esprit. Peu consciente du temps qui passait, ni même de son corps qui réclamait eau et nourriture, elle continuait sans relâche de tenter de percer le miroir, de voir au travers de lui. Il y avait quelque chose derrière, de scintillant. L'imaginait-elle ? Ou avait-elle enfin atteint son but ?

L'envie de plonger dans la marre la tenaillait au plus profond de son être, mais son corps refusait de bouger, tel un avertissement. Inconsciemment, elle savait que se lancer dans cet eau qui avait autrefois caressé sa peau la mènerait à un grand péril. La faiblesse, elle tremblait de tout son être.

L'image d'une bague, un joyau qu'on aurait cru formé dans une pierre de lune même apparut dans son esprit. Le temps d'une seconde, cet image eut raison d'elle. Elle s'effondra sur le sol glacé, inconsciente. Un visage sans émotion. Seuls des larmes trahissaient les émotions de l'âme. Des larmes accompagnés d'un sourire naissant mais qui ne voulait pas se faire voir. Une âme oscillante entre bonheur et détresse au souvenir d'une nuit autrefois passée en ces lieux ... au souvenir d'un joyau ... au souvenir d'un être qui était toute sa vie ...